In memoriam Pierre Vidal
Au matin du 5 février, un grand musicien nous a quitté . Plus qu'un organiste, Pierre Vidal était un penseur de la musique . Personnalité altière et sans concessions, il aura marqué pour toujours ceux qui ont eu la chance de pouvoir l'approcher, rares amis, collègues ou élèves .
Titulaire pendant quelques décennies de l'orgue de St Jean-Baptiste de Belleville à Paris et professeur - en compagnie de Michel Chapuis, André Stricker et Marc Schaeffer - au Conservatoire de Strasbourg, Pierre Vidal avait une approche de l'orgue libérée de toute pesante tradition, d'où qu'elle vienne . Formé par Marcel Dupré mais très admiratif de l'art d'un Helmut Walcha ou, pour l'orchestre, d'un Furtwaengler, d'un Mengelberg, il a très vite pressenti que l'interprétation de J.S. Bach nécessitait encore beaucoup de recherches et de remises en questions , N'hésitant pas à mettre en cause l'inertie de la « Machine-Orgue » et s'appuyant sur quelques précieux témoignages de Bach-interprète, il développa pour lui-même et ses élèves un jeu basé sur l'éloquence et l'adéquation aux textes poétiques . Sa mise en regard de quelques Toccatas et grands Préludes et Fugues avec des Psaumes révéla aux lecteurs curieux un sens caché très étonnant, éclairant soudainement des particularités harmoniques qui semblent très bizarres ou incroyablement audacieuses .
Parallèlement à ce travail d'analyse, Pierre Vidal enregistra quelques disques, précieux témoignages de son art d'interprète et il composa quelques Oeuvres pour orgue, deux Suites (éd. Leduc) et un Magnificat en hommage à « cette pauvre fille, une sacrée bonne femme ! » (la Vierge L)
Pour moi, je perds un ami à qui je dois beaucoup . Il adorait le piano, Beethoven, Chopin, Debussy et il fut souvent mon premier auditeur avant un récital important . Il fut aussi à mes côtés lors de la reconstruction de l'orgue des Blancs-Manteaux et nous échangions nos places - l'un à la console, l'autre dans la nef - lors du travail d'harmonisation effectué avec tant de soin et d'attention par Alfred Kern .
Pierre Vidal représentera pour beaucoup un jalon important de l'histoire de l'interprétation à l'orgue, qu'il en soit profondément remercié.
Dominique MERLET
Pierre Vidal est un musicien hors pair dans le domaine de l'orgue : il donne leur pleine dimension aux grandes oeuvres de J.S. Bach, et en nous livrant un Bach expressionniste, il inaugure une interprétation inédite.
Il sait faire chanter polyphoniquement les petits Chorals comme personne.
Son oeuvre et ses ouvrages (Bach et la machine-orgue - Les Psaumes : Passions, images et structures dans l'oeuvre d'orgue - Le secret des compositions libres pour orgue - L'origine thématique de l'Art de la Fugue et ses incidences - Un hommage de J.S. Bach à G. Frescobaldi) sont une étape importante dans l'histoire de l'orgue.
Son charisme et son atticisme ont impressionné toutes les personnes qui l'ont approché.
Gérard Bartolucci
Vendredi 5 février 2010, Pierre Vidal, organiste, compositeur et musicologue français né en 1927, s’est éteint dans sa 83e année dans le petit village de Mersuay en Haute-Saône. Il a été inhumé selon ses dernières volontés, en toute intimité au cimetière de Mersuay.
« Une biographie de Pierre Vidal n’offrirait rien de saillant : toute sa vie est guidée par la seule musique. On notera cependant, à peine sorti de l’enfance, son vif attrait pour l’orgue » écrit Michel Beaulieu dans la préface de l’enregistrement de Wissembourg.
Avec son ouvrage « Bach et la machine orgue », Pierre Vidal a jeté un pavé dans la marre, en posant une question fondamentale : « comment un instrument statique peut-il être expressif ? »
L’Eté Thermal de l’Orgue 2007, la saison de concerts organisés par les Amis de l’Orgue de Luxeuil-les-Bains, était dédié à Pierre Vidal, (à l’occasion de ses 80 ans) professeur au Conservatoire National de Région de Strasbourg. Après avoir vécu longtemps en région parisienne, puis quelque temps à Vieux-Thann (Haut-Rhin), il s’est définitivement installé à Mersuay, à une vingtaine de kilomètres de Luxeuil-les-Bains, depuis 2 ans.
Il venait de publier un ouvrage intitulé « Le secret des compositions libres pour orgue » de Jean-Sébastien Bach, tome 1, en collaboration avec Olivier Baur et travaillait à la rédaction du tome 2, édité en 2008.
Pierre Vidal s’exprimait ainsi à propos de ses recherches : « La Parole de Dieu dans la Bible luthérienne, source d’inspiration et socle des compositions libres pour orgue, telle est la secrète pensée de Bach ».
Parmi ses précédentes publications, on peut citer « Bach et la Machine Orgue » (1973), « Bach, les Psaumes. Passions, images et structures dans l’œuvre d’orgue » (1977), « L’origine thématique de l’Art de la Fugue et ses incidences » (1984).
Les enregistrements de Pierre Vidal sont disponibles dans un coffret de 6 CD publié par le Festival International de Musique de Wissembourg en 2006.
Association des Amis de l’Orgue de Luxeuil-les-Bains
Présidente : Elisabeth Muhlmeyer
(Paru dans Les Affiches de la Haute-Saône)
Nous avions beaucoup d'admiration pour Pierre Vidal et nous ne lui
avons pas assez bien fait savoir...
Odile et Daniel Roth, titulaire du Grand-Orgue A. Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice à Paris.
De tout coeur, je vous remercie de votre message concernant Pierre Vidal, mon ancien professeur au Conservatoire, pour lequel je garderai toujours une très vive reconnaissance.
Michel Wackenheim
La France vient de perdre un de ses plus grands musiciens, Pierre Vidal (1927-2010). Profondément marquée par ses écrits littéraires, notamment sur les Psaumes et la musique de J. S. Bach, j’ai eu le bonheur de faire sa connaissance en 1986, presque par hasard, en compagnie de Michel Chapuis en l’église abbatiale de Saint-Benoit-sur-Loire. Pierre Vidal possédait la noblesse et la distinction des grands artistes.
Dix ans plus tard, une expérience personnelle, presque mystique, m’a convaincue de sa spiritualité profonde lorsque je venais d’interpréter en concert le verset “Il jette les puissants de leurs trônes” de son Magnificat sur l’orgue Oberthur de la Cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre (dans l’Yonne). Dès que j’ai terminé ce verset, un coup de tonnerre fracassant a resonné pleinement en point d’orgue. À la fin du concert, des auditeurs m’ont demandé comment j’avais pu organiser une telle mise en scène.
Que la présence de cet artiste extraordinaire continue à vivre pleinement à travers ses oeuvres inspirées.
Carolyn Shuster Fournier, titulaire de l'orgue de choeur Aristide Cavaillé-Coll de l'église de La Trinité à Paris
Pour Pierre Vidal
Qui a entendu Pierre Vidal n'a pu rester indifférent à la force de sa conviction
et qui l'a rencontré n'a pu que ressentir la profondeur de son amitié. Cette
conviction s'exprimait dans sa conversation lorsqu'il portait des jugements (souvent sans appel) sur ses contemporains. Mais c'est aux claviers de l'orgue ou du piano qu'il se manifestait avec le plus de vérité : c'est en visionnaire qu'il s'emparait de l’oeuvre interprétée. Là était la vie, transcendant et bousculant les théories et les écoles. On était pris, fascinés par une sorte d'évidence, et cependant on n'avait pas envie de l'imiter. Lui-même n'aimait pas qu'on l'imite et il pouvait avoir une grande admiration pour des musiciens très différents de lui. Il supportait mal la médiocrité et son pessimisme découlait d'une immense soif non assouvie de beauté et de bonté.
Pierre Vidal était compositeur. On ne saurait classer son oeuvre dans un
quelconque courant actuel : sans concession à la mode, il puisait dans sa grande
culture musicale les éléments nécessaires à l'élaboration de son propre langage.
Les thèses de Pierre Vidal sur Bach et la Bible ont été fort discutées. Pour
ma part, leur côté littéral, très près du texte, m'a toujours surpris : l'imagination de Bach était certainement stimulée par les textes bibliques, mais j'ai personnellement quelques difficultés avec les interprétations trop détaillées. Il n'en reste pas moins que l'idée de jouer une oeuvre de Bach (ou de tout autre compositeur) comme on raconte une histoire, me paraît très enrichissante pour la vie de nos interprétations.
Avec le départ de Pierre Vidal, c'est une voix profondément unique qui se
tait. Dans notre époque de standardisation, puissions-nous transmettre ce message de droit à la différence.
Louis Thiry, Professeur d'orgue honoraire au Conservatoire de Rouen
Je rends par la présente un vibrant hommage au grand musicien et organiste que fut Pierre Vidal. Ses interprétations, entre autres de J.S.Bach, ont révolutionné le monde de l’orgue, qui jusque là était assez stable.
Honneur au grand Artiste qui a osé !!
Jean-Pierre Guthans
En tant qu'ancien élève de sa classe, je tiens à remercier Pierre Vidal pour les enregistrements qu'il a effectués ainsi que pour ses différents écrits littéraires sur Jean-Sébastien Bach particulièrement.
Jérôme Candusso